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Ce qui, il y a peu de temps encore, relevait de la science-fiction, peut offrir de toutes nouvelles perspectives dans le secteur de la construction : le procédé d’impression 3D d’une maison est aujourd’hui si perfectionné qu’il permet d’imprimer des bâtiments habitables et des structures praticables. Cette technologie, encore en cours de développement, a déjà été utilisée avec succès dans différents projets. Au fil de cet article, vous découvrirez comment une maison faite par une imprimante 3D peut devenir l’avenir de la construction, et quels sont les chances et les défis liés à cette technologie ?
Différences entre une maison imprimée en 3D et une construction conventionnelle
Une maison imprimée se distingue fondamentalement d’un bâtiment construit de manière conventionnelle.
- L’esthétique particulière des murs d’une maison d’une imprimante en 3D est reconnaissable à première vue, car l’application du matériau par couches successives est visible non seulement pendant la phase d’impression, mais aussi au travers du résultat final.
- Selon le style du bâtiment, les formes arrondies des murs peuvent également être un signe particulier typique de la maison faite par une imprimante en 3D.
- Cependant, certaines particularités d’un bâtiment créé par impression 3D ne se remarquent pas immédiatement. Le fait, par exemple, qu’une maison imprimée en 3D ne nécessite pas de coffrage. Les éléments de construction conventionnels en béton sont coulés dans un coffrage qui maintient la masse liquide jusqu’à ce qu’elle sèche et devienne indéformable. Ce procédé n’est pas nécessaire pour l’impression 3D du béton : le matériau durcit très rapidement et présente en même temps une grande rigidité, de sorte qu’un coffrage est superflu.
La vitesse
L’une des plus grandes différences entre la méthode de construction conventionnelle et la technologie d’impression 3D dans le secteur du bâtiment reste à bien des égards la vitesse de construction. Alors que dans la construction de maisons conventionnelles, les briques sont généralement péniblement posées l’une sur l’autre selon un processus manuel long et pénible, la construction d’une maison avec une imprimante 3D ne requiert que deux collaborateurs qualifiés pour surveiller la technique et, le cas échéant, soutenir le processus technologique de la construction. La vitesse d’impression varie en fonction du modèle d’imprimante d’environ 25 centimètres à un mètre par seconde. Le processus construction est en outre accéléré du fait que plusieurs opérations peuvent être effectuées, en amont, pendant l’impression. Les corps de métier auxiliaires qui n’interviennent normalement qu’une fois la construction proprement dite terminée peuvent intervenir pendant le processus de construction de la maison par une imprimante 3D. Il s’agit, par exemple, des interventions suivantes :
- Pose des chevilles d’ancrage pour la couche d’isolation
- Pose et isolation des gaines
- Pose des boîtes d’installation électrique
À titre de comparaison, la réalisation d’un étage par quatre ou cinq personnes prend généralement environ une semaine. En revanche, une imprimante 3D ne mobilise que deux personnes et ne nécessite qu’une vingtaine d’heures d’impression pour réaliser un étage.
Le facteur coût
En raison de la vitesse d’impression élevée, une maison fabriquée par impression 3D est moins chère qu’une maison construite de manière traditionnelle. Cela s’explique d’une part par le fait qu’il faut moins de main-d’œuvre pour superviser la construction. D’autre part, les coûts des matériaux sont légèrement inférieurs à ceux de la construction traditionnelle, étant donné qu’une planification efficace des ressources est effectuée en amont et que le processus d’impression génère moins de déchets. En revanche, le coût des équipements techniques est plus élevé. Dans l’ensemble, une maison construite avec une imprimante 3D permet actuellement de réduire les coûts de 25 à 30% par rapport à une construction conventionnelle. La maison faite par une imprimante 3D au niveau du prix semble donc moins onéreuse que la bâtisse traditionnelle.
Sécurité
Une autre différence, et non la moindre, entre une maison imprimée et une maison de conception classique concerne la sécurité des travailleurs. Les travailleurs du secteur de la construction sont généralement exposés à des risques accrus en termes de sécurité, et les blessures et les maladies professionnelles, telles que les hernies discales, sont fréquentes. La construction d’une maison à partir d’une imprimante 3D réduit le risque d’accident du travail ou de maladie professionnelle causée par un travail physique pénible. Cela entraîne aussi une réduction des coûts : l’employeur a moins de frais d’assurance et de maintien du salaire en cas de maladie.
L’impression 3D ne se limite pas à la construction d’habitations. D’autres formes, objets et structures peuvent également être fabriqués à l’aide de cette technologie, par exemple des poêles, des ponts ou des conceptions architecturales originales qui, jusqu’à présent, ne pouvaient être produites que de manière très complexe et par conséquent coûteuse.
Quels sont les procédés de fabrication par impression 3D d’une maison ?
Il existe différents procédés, matériaux et imprimantes pour fabriquer une maison à partir d’une imprimante 3D. Les imprimantes sont variées et de différentes tailles. Elles ont l’aspect d’une grue et sont normalement installées à l’endroit même où la maison doit être construite. L’impression peut également avoir lieu ailleurs : dans ce cas, une fois le matériau durci, les différents éléments sont transportés sur le site de construction où ils sont assemblés. Tous ces procédés ont en commun le fait que l’imprimante dépose le matériau couche par couche en effectuant des mouvements rotatifs lents.
Procédé d’extrusion
Le procédé d‘extrusion ou Fused Layer Modeling (Modélisation par couches fusionnées) est actuellement le plus répandu. Pour ce faire, on utilise un béton spécial dont les propriétés diffèrent de celles du béton traditionnel qui permet, par conséquent, de travailler tout autrement.
Procédé | Caractéristiques |
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Propriétés | • Construction sans coffrage • Structure 3D par couches • Ni arêtes, ni formes géométriques, design arrondi |
Forces | • Un procédé rapide • Économique • Possibilité de percer ou de modifier les propriétés de densité à tout moment |
Faiblesses | • Pour que les différentes couches adhèrent les unes aux autres, elles doivent être pressées les unes contre les autres • Cela peut entraîner des difficultés en termes de résistance à la traction par flexion |
Liaison sélective
La liaison sélective comporte deux sous-procédés :
Procédé | Caractéristiques |
---|---|
Impression humide / intrusion de pâte | • Différents composants sont appliqués par couches successives, par exemple, du grès sur de la colle de ciment • Une bonne liaison entre les éléments doit être garantie afin d’obtenir une grande stabilité |
Activation sélective | • Application par couches successives d’un mélange de ciment et de sable • De l’eau est pulvérisée là où le matériau doit se solidifier (également couche par couche) • Le matériau excédentaire est retiré puis utilisé pour une nouvelle structure d’impression (retrait par aspiration, par exemple) |
Ces procédés permettent de créer des éléments géométriques complexes et rendent ainsi possible la concrétisation d’idées architecturales originales. Étant donné que le matériau sec, non lié, fournit un effet de soutien élevé, la liaison sélective permet de réaliser des constructions simples comportant des cavités. Ce procédé est toutefois plus coûteux que le procédé d’extrusion. Par ailleurs, la résistance de ce procédé aux aléas de la météo n’est pas encore clairement établie.
Exemples de maisons réalisées par impression 3D
Des bâtiments ont déjà été réalisés par impression dans le cadre de différents projets à travers le monde. À Calverton, New York, une maison individuelle d’environ 177 mètres carrés a été construite en huit jours seulement. Soit seulement 48 heures d’impression et un coût de matériel de moins de 6000 dollars. À titre de comparaison, même la construction d’une maison préfabriquée prend généralement plusieurs mois.
Une maison réalisée par impression 3D a également été construite en Allemagne. En 2020, la première maison imprimée en 3D a vu le jour à Beckum, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie : une maison individuelle de deux étages avec une surface habitable d’environ 160 mètres carrés. Seuls des matériaux durables ont été utilisés comme isolants. Comme il n’existe actuellement pas encore de directives uniformes pour la procédure d’autorisation, l’autorité de construction de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a accordé au projet pilote une autorisation de construction individuelle. Ce projet a par ailleurs été subventionné à hauteur de 200 000 euros.
Une maison réalisée avec une imprimante 3D a également été construite en France dès 2017 dans le cadre du projet Yhnova de l’université de Nantes. Il s’agit d’un logement social de 95 mètres carrés dont la structure a été érigée en 54 heures. Elle respecte toutes les normes de constructions françaises et aura coûté 20% de moins qu’une maison similaire bâtie avec les méthodes traditionnelles.
Et plus récemment, c’est en Belgique, en 2020 à Westerlo, en province d’Anvers qu’une maison par impression 3D de 90m² a été construite. La première maison par impression 3D sur deux étages au monde.
Une maison issue d’une imprimante 3D peut-elle être conçue de façon durable ?
Le béton ne fait certes pas forcément partie des matériaux les plus durables, car sa production génère énormément de CO2. Cependant, le processus de construction qui fait appel en général à un béton spécial, est bien plus efficace et produit moins de déchets que la construction de maisons conventionnelles. Le projet pilote de Beckum montre que le choix des composants, des matériaux et l’efficacité de la construction permettent d’économiser jusqu’à 50% de CO2 par rapport à une construction traditionnelle.
Une maison construite par impression 3D est particulièrement durable si des matériaux préservant les ressources, comme le bois ou la terre, sont utilisés en remplacement du béton, du verre ou du plastique. Avec son projet « Tecla », l’entreprise italienne WASP démontre qu’il est possible d’imprimer un bâtiment uniquement à partir de ressources disponibles localement. Dans la ville italienne de Ravenne, le prototype d’une maison a été réalisé en 200 heures d’impression à partir de 60 mètres cubes de terre, sans utiliser aucun autre matériau. La maison imprimée en 3D a donc vocation à devenir une construction écologique.
Les défis posés par l’impression 3D en termes d’urbanisme
Les maisons réalisées par impression 3D n’ont pas que des avantages. Quels sont les défis posés par cette technologie ?
- L’expertise : les architectes bénéficient d’une plus grande liberté dans la réalisation de conceptions originales dans le cas d’une maison imprimée en 3D que dans le cas d’une construction conventionnelle. Mais ils sont aussi confrontés à un défi particulier, car les nouveaux matériaux se caractérisent par des propriétés et une capacité portante différentes de celles du béton traditionnel. Cela rend le travail des architectes et des maîtres d’ouvrage plus complexe, car ils doivent effectuer leurs calculs avec d’autres chiffres que ceux utilisés jusqu’à présent et commencer par s’approprier ces nouvelles connaissances.
- Scepticisme du secteur : De plus, le travail interdisciplinaire en équipe est nécessaire dès la phase de planification, car les décisions doivent être prises suffisamment tôt. Tous les corps de métier doivent être coordonnés. Il règne actuellement un certain scepticisme dans le secteur du BTP en ce qui concerne l’utilisation de cette technologie et le traitement des nouvelles données qui en découle. Cependant, une fois que la technologie d’impression 3D pour l’urbanisme gagnera en popularité, on peut s’attendre à ce que cette expertise s’établisse dans le secteur du BTP.
- Situation juridique actuelle en Belgique : l’état de la législation sur la technologie d’impression 3D pour la construction de bâtiments est actuellement floue et non spécifique à cette méthode particulière de construction. Ainsi les maisons réalisées par impression, dites maisons additives, doivent actuellement répondre à la législation, aux normes et aux réglementations en vigueur telle que la réglementation de la performance énergétique des bâtiments (PEB). Cependant, celles-ci ne sont pas toujours en phase avec les nouveautés technologiques et le plus grand défi du secteur est d‘établir des normes et des standards qui facilitent la délivrance de certificats et la formulation de nouvelles réglementations.
Quel pourrait être l’impact de la technologie d’impression 3D sur le secteur du BTP ?
À condition que la technologie s’établisse, elle pourrait engendrer des changements dans les secteurs de la construction et de l’immobilier, de la protection de l’environnement et de la société dans son ensemble. Les maisons additives, fabriquées par impression 3D, ont le potentiel de faire apparaître de nouveaux métiers. La façon de construire des bâtiments et de travailler sur les chantiers pourrait changer radicalement. Les projets de construction gourmands en temps et en personnel pourraient bientôt relever du passé.
- L’impression des maisons est commandée et surveillée depuis un ordinateur portable. Cela rend le secteur de la construction plus attrayant pour la jeune génération. Si jusqu’à présent, la force et la résistance physiques étaient des conditions essentielles pour travailler sur un chantier, la construction d’une maison additive requiert une compréhension technique et une grande expertise professionnelle. De nouveaux profils professionnels apparaissent dans le domaine de l’ingénierie et de l’architecture et le risque d’accident lors de la construction d’une maison diminue. Cela rend le travail dans le secteur du BTP plus attrayant pour les générations montantes.
- Une construction plus rapide et moins chère de logements.
- La création de logements plus abordables pourrait contribuer à une plus grande équité sur le marché du logement.
- La possibilité de concevoir et de réaliser des formes et des concepts originaux rapidement et à moindre coût en termes d’urbanisme sans que cela n’entraîne forcément un surcoût.
- La construction durable permet de préserver les ressources et de réduire les émissions CO2.
FAQ sur la maison imprimée en 3D
Lors de la phase de planification, des objets virtuels en 3D sont tout d’abord élaborés à l’aide d’un logiciel de CAO. Les données sont ensuite traduites dans un format STL et transmises à l’imprimante 3D pour la phase de construction. L’imprimante est installée sur place et applique le matériau couche par couche. Elle peut également produire des formes architecturales complexes.
Pour la construction de maisons additives réalisées par impression 3D, on utilise le plus souvent un béton spécialement conçu, à base de sable, de ciment, d’eau et d’autres composants. Ce béton spécial peut être enrichi de différents additifs tels que des matières plastiques (thermoplastiques, élastomères), des métaux précieux (titane, acier inoxydable, acier à outils, alliages), du bois et des fibres, qui renforcent le matériau grâce à leurs propriétés respectives. L’utilisation de matériaux préservant les ressources fait également l’objet de recherches et de développements permanents.
Le béton doit disposer de propriétés très différentes de celles du béton traditionnel :
• Il doit prendre rapidement et être indéformable afin que la couche suivante puisse être appliquée rapidement.
• En même temps, le matériau doit être suffisamment souple pour que la couche supérieure puisse se lier à la couche inférieure pour former un mur stable.
• Aussi, ce béton spécial ne doit pas obstruer la buse de la tête d’impression.
• Le matériau doit être adapté à chaque modèle d’imprimante pour que tout fonctionne correctement.
À l’avenir, le procédé d’impression 3D pourrait être utilisé pour créer des logements rapidement et à moindre coût, permettant ainsi de réduire la pénurie de logements abordables dans les grandes agglomérations. Une application dans le domaine du logement social pourrait offrir aux personnes à faibles revenus une perspective de logement abordable et réduire le nombre de sans-abri. Grâce à cette technologie, les architectes sont en mesure de réaliser des designs innovants et des constructions architecturales originales, égayant et modifiant ainsi le paysage urbain conventionnel.
Actuellement, la législation et l’octroi de permis de construire pour une maison fabriquée par impression 3D manquent de visibilité. Des normes pour répondre aux exigences en matière de construction doivent encore être définies. Le scepticisme règne encore dans le secteur de la construction et les connaissances techniques nécessaires doivent encore être acquises dans de nombreux domaines. En outre, la technologie est en constante évolution et la recherche sur les matériaux et les processus est particulièrement dynamique.
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